mardi 22 novembre 2016

Un bel interview qui reprend mon parcours d'écriture


C'est une idée géniale et gratifiante qu'a eue l'auteur Erik Vaucey, en proposant sur son blog une chronique où il interviewe des nouvellistes.


Je rejoins donc sa collection, avec un petit point sur mes premières rencontres avec la SFFF et avec l'écriture, pour ceux que ça intéresseraient, et quelques mots sur la manière dont j'écris aujourd'hui.

Ça se lit en cliquant ici




Le copié collé de l'entretien ci-dessous :



EV : Bonjour Phil. Tout d’abord, qui es-tu ?

PB : Bonjour Eric, merci pour l’interview !

J’ai 32 ans, et je suis journaliste à Perpignan, travail que j’exerce depuis 2011 après être passé à travers pas mal de métiers qui, finalement, ont nourri aussi mon imaginaire. Du coup, je vis de ma plume journalistique le jour, et la nuit je raconte des histoires.


EV : En forçant un peu le trait, la journée tu t'appuies sur ton cerveau gauche et la nuit, tu laisses libre court à la créativité de ton cerveau droit ;)
Depuis quand écris-tu des nouvelles ?


PB : Ma première nouvelle a été publiée en 2007, elle a dû être écrite l’année précédente. Mais j’ai commencé à écrire adolescent. Au lycée, je griffonnais des débuts de romans, du type space-opéras interminables, ou de la fantasy, dans laquelle je passais plus de temps à dessiner des cartes à la Tolkien qu’à écrire vraiment ! Mais la nouvelle est ce qui m’a permis d’accéder à la publication.


EV : Une attirance précoce pour la SFFF, donc :)
Peux-tu nous dire quelques mots de la genèse de ta première nouvelle ?


PB : « La Pause », ma première nouvelle, a reçu un prix au concours des éditions de l’Antre et a été publiée dans un petit recueil. C’est l’histoire d’une famille qui survit alors que le monde extérieur est dans une pause temporelle : les autres gens sont figés comme des mannequins et prennent la poussière.

C’est une idée - ou plutôt un fantasme - qui me trottait dans la tête depuis longtemps : que ferais-je si je pouvais arrêter le temps autour de moi ? Est-ce je me servirais librement dans les magasins ? Est-ce que je soulèverais les jupes des filles ? Et si, au contraire, c’était un enfer, si rien ne se passait comme prévu ? Combien de temps tout ça serait supportable ?

J’ai eu presque un besoin physique d’écrire ce texte, ces idées étaient tellement présentes qu’il fallait qu’elles se changent en quelque chose de concret, ne serait-ce que sous forme de mots. Le format de la nouvelle a découlé de l’histoire, c’était la longueur idéale pour ce que je voulais raconter.

Le jour même où j’ai su que «La Pause » allait être publiée, j’ai écrit ma deuxième nouvelle. C’était parti.


EV : Quelles qualités trouves-tu aux nouvelles par rapport aux autres formes littéraires ?

PB : En tant que lecteur, j’ai découvert la nouvelle avec la Grande Anthologie de la Science-Fiction, la GASF pour les intimes. Vous savez, ces « Histoires de.... » des années 1970. J’avais trouvé des volumes d’occasion au marché aux puces, je devais être en CM1 ou CM2. Ca a été un choc, d’autant que c’était en même temps l’un de mes premiers contacts avec la science-fiction. Les images de ces histoires me hantaient. Je n’avais pas de télévision, ça a peut-être joué. Je me repassais les scènes, je connaissais certaines nouvelles presque par cœur.

Et je crois que c’est justement ça, la qualité de la nouvelle : procurer un choc. Condenser tout ce qu’il y a d’intense dans un roman en quelques pages. Donner une claque magistrale au lecteur. Les formes littéraires plus longues en sont capables aussi, mais à travers une prise de recul : on finit le roman, on jette un œil en arrière et on réalise après-coup à quel point tout était bien ficelé. Alors que la nouvelle, c’est de l’instantané.


EV : Ton attrait pour la SFFF est encore plus ancien que je ne le pensais en écoutant ta réponse à la deuxième question ;)
Quelles sont les genres littéraires que tu abordes dans tes récits ?


PB: Je suis effectivement un fana de science-fiction, donc c’est sans doute ce que j’aborde le plus. Fantastique aussi, j’aime tout ce qui touche à la folie, au malsain. Sur une trentaine de nouvelles publiée à ce jour, et une vingtaine d’autres dans les tiroirs, un bon nombre concernent le fantastique. J’ai également écrit un peu de noir dont une nouvelle, « Nos habitats interstitiels », qui a obtenu le prix Robert Chaput en 2010. Et je commence à apprécier les thèmes policiers ! « Fleurs de Lune », parue dans la revue Fiction, évoque le travail d’un enquêteur dans un monde post-apo. J’ai aussi un détective dans « Climax & Cie », une nouvelle parue chez les éditions HPF. C’est très fun, de manier un détective !

La fantasy, en revanche, je l’ai réservée à mon premier roman, « Le Lycan Blanc », suite à une opportunité éditoriale chez Rivière Blanche. Et, alors que j’avais des doutes, je me suis régalé. Mes souvenirs de lectures de Tolkien, ou des séries du type Les Royaumes Oubliés, en somme l’âge d’or de la fantasy, me sont revenus d’un coup. Le côté aventure débridée, magie etc. « Le Lycan Blanc » est presque un hommage à cette époque.

Pour finir, je me suis surpris moi-même en m’attaquant à la littérature blanche pour mon deuxième roman, paru le 4 novembre 2016. « Vous avez une mission », aux éditions Sol y Lune, évoque le quotidien d’un intérimaire. C’est un quasi témoignage.


EV : Comment te viens habituellement l’inspiration ?
PB : Souvent avec les rêves. Les images qu’il m’en reste au réveil me servent pour une idée, une atmosphère. Je suis très porté sur le décor et l’ambiance, davantage que sur les personnages. Pendant un temps, j’ai même écrit mes rêves chaque matin, et ça a eu un effet bizarre, à savoir qu’ils devenaient de plus en plus clairs et faciles à mémoriser. Comme si on autorisait le cerveau à s’en souvenir. Il faudra que je retente, tiens.


EV : Voici une piste intéressante... Je testerai et te dirai ce qu'il en est pour moi ;)
Peux-tu nous en dire plus sur tes habitudes d’écriture ?


PB : J’écris sur ordinateur. Un PC fixe, dans la pièce qui me sert de bureau, avec une fenêtre au onzième étage qui donne sur la ville et les montagnes. Il y a un côté rituel à s’installer toujours au même endroit. Un jour il faudra que j’essaie d’écrire à l’extérieur... Mais je ne sais pas si j’en ai vraiment envie ou si je veux juste m’offrir un joli notebook !

J’écris par sessions courtes. Il m’arrive de stopper après trois phrases seulement. Même dans les bons moments, je dépasse rarement les quatre ou cinq pages d’affilée. Et je suis irrégulier, il y a de longues périodes sans écriture. Pour les projets costauds comme les romans, j’essaie d’écrire le matin avant d’aller au travail. Le soir, il y a trop de distractions.

J’écris avec ou sans musique, selon mon humeur. En général je déroule l’histoire dans son ordre définitif, sans plan ni synopsis préalable. J’écris un peu comme je lirais : j’avance pour voir la suite.

Si je bloque, je fais les cent pas. Je marche dans mon appartement pour dénouer une scène ou trouver une chute. Et quand je la tiens, enfin, je ricane ! Ce doit être assez inquiétant de vivre avec moi...


EV : Tout dépend du type de ricanement !
As-tu une anecdote a raconter sur ta vie d’auteur ?


PB : Je dirais qu’il y a eu ce moment un peu magique, en 2008 ou 2009. J’avais soumis des textes pour l’anthologie "Retour sur l’Horizon" dirigée par Serge Lehman. A neuf auteurs, dont je faisais partie, il a expliqué qu’il ne pouvait nous retenir faute de place, mais qu’il avait trouvé des qualités à nos nouvelles, et qu’il voyait en nous la prochaine génération d’auteurs de SF. Il avait joint des commentaires encourageants sur nos récits. Et Serge Lehman a alors eu une idée géniale : il a envoyé à chacun de nous les coordonnées des huit autres, comme ça, sans s’embarrasser de prévenir ni demander, parce qu’il a eu l’intuition qu’on pouvait faire quelque chose ensemble. Et on l’a fait, on a monté un petit groupe internet, le Salon des Recalés (auquel Lehman rend hommage dans son anthologie, d’ailleurs). Il y avait parmi nous Laurent Gidon et Romain Lucazeau, qui depuis ont bien décollé. Et ça m’a donné un coup de boost formidable, une soif de m’élever, d’étoffer mon style, d’apprendre de nouvelles techniques d’écriture. D’être un jour digne d’une anthologie dirigée par Serge Lehman. Sans lui, je ne suis pas sûr que j’aurais continué à écrire.


EV : L'intérêt et la force des réseaux d'auteurs n'est plus à démontrer !
Quels conseils donnerais-tu à celui qui voudrait écrire des nouvelles ?



PB : Je ne suis pas certain d’être bien placé pour donner des conseils, j’ai l’impression d’avoir encore moi-même beaucoup à découvrir. Pour un premier texte, écrire à propos d’une idée qui vous obsède, quelle qu’elle soit, rend la chose plus facile, on peut terminer l’écriture d’une traite. Il y a des sites de relecture et de conseil, comme Cocyclics, qui fonctionnent très bien. Et puis l’éternel conseil, ne pas baisser les bras. A chaque mot qu’on pose, on progresse. Il suffit de lire ce qu’on écrivait deux ans plus tôt pour voir à quel point c’est flagrant.

Ensuite, pour la publication, on trouve des dizaines d’appels à textes chaque mois. Des petits concours de villages ou de bibliothèques, des fanzines, des anthologies. Ne pas viser trop haut. Il faut chercher sur le net, multiplier les envois de textes, et supporter les refus décourageants. J’ai peut-être fait paraître 30 nouvelles, mais je ne suis pas loin des 100 soumissions, et j’ai claqué une fortune en timbres !

AOC du club Présences d’Esprits ou Brins d’Eternité ont publié pas mal de mes textes. J’ai obtenu le prix Visions du Futur grâce à Présences d’Esprits. Je ne les remercierai jamais assez. Ils font un boulot formidable pour les jeunes auteurs.


EV : On peut aussi soumettre pas mal de textes par internet, ce qui évite les frais de timbres ;)
Quels conseils donnerais-tu à un lecteur de nouvelles ?



PB : Passer le seuil de l’inconfort. La nouvelle est peu consommée en France, et je me demande si ce n’est pas simplement dû à une méconnaissance du support. Le roman ou la BD représentent tellement la référence que le format nouvelle déroute. C’est bref, on peut avoir le sentiment d’un récit tronqué. Mais c’est juste une habitude à prendre. Les classiques sont toujours délicieux, Maupassant, Mérimée etc. Et dans l’imaginaire, la GASF reste un monument. Ensuite, il y a plein d’anthologies qui gagneraient à être connues. Dans le fantastique, par exemple, avec les éditions Malpertuis, Dreampress etc. Sans oublier les revues de référence de type Bifrost.


EV : Voici un bon nombre d'indications alléchantes ! On a que l'embarras du choix.
S’il y avait un livre que tu as lu et apprécié et dont tu aurais aimé être l’auteur, ce serait lequel ?



PB : « Vurt », de Jeff Noon. Et sans doute « Hypérion », de Dan Simmons.


EV : Cela fait déjà deux ;)
Peux-tu nous parler de tes publications ?


PB : Commençons par le plus simple, les romans :
« Le Lycan Blanc », roman de fantasy paru en 2015 aux éditions Rivière Blanche
« Vous avez une mission », récit décalé sur le travail précaire, chez Sol y Lune

Les nouvelles publiées, en partant de la plus récente :
« Derrière les yeux, le père » dans l’anthologie "Moissons d’Epouvante 3"
« Climax & Cie » in "Pièces de Puzzles"
« Via Mundi » in "Géante Rouge n°23"
« Le rêve de glace » in "Brins d'Eternité" n°42
« Le spot de la mort » in "Ténèbres" 2015
« Fleurs de Lune » in "Fiction n°20"
« Un appartement pour Jerry » in "AOC n°35"
« Les bêtes humaines » in "Eclats de Rêves n°24"
« La boucle » in "Vingt Ans"
« Marsification » in "Dimension Système Solaire"
« Ablutions » in "Malpertuis V"
« Le dernier Lama Exterus » in "Brins d'Eternité n°36"
« Acier froid sur les poumons » in "AOC n°29"
« L'amiral nu » in "Frontières n°3"
« Retour vers Asgard » in "Brins d'Eternité n°31"
« La reine des Crocs » in "AOC n°22" et "Vingt ans de Visions du Futur"
« Mille et une portes » in "AOC n°20"
« Le volontaire » in "AOC n°16"
« Nos habitats interstitiels » in "Grand Prix Bourbonnois de nouvelles 2010"
« Mousse » in "Etre aveugle aujourd'hui"
« Hors de vue » in "Percevoir"
« Abyssale partie de pêche » in "Brins d'Eternité n°25" et "Dix ans d'Eternité"
« Le onzième étage » in "AOC n°13"
« Le canapé de l'amazone » in "AOC n°12"
« Entre-temps » in "Survivances la nuit venue"
« Intersections aquatiques » in "Lettres de Sable"
« La pause » in "L'antre des Mondes"

Et deux nouvelles sont à paraître :
« Ganiagwaihegowa » in "Animal Fabuleux" chez Sombres Rets
« Il ne ferme jamais les yeux » in "Ténèbres 2017"


EV : Quelle production !
Peut-on trouver certains de tes textes sur le web ?


PB : Je crois que les deux seules nouvelles disponibles en ligne sont :
« Abyssale partie de pêche » parue en 2009 dans "Brins d’Eternité" et republiée dans le numéro pilote de Frontière (revue aujourd’hui disparue, hélas).
« L'amiral nu » parue dans le numéro 3 de Frontières.


EV : Où peut-on te retrouver ?

PB : On peut suivre mon actu littéraire sur ce blog philbecker.blogspot.fr et me contacter sur le mail phil.becker@cegetel.net

Quand je trouve le temps, j’alimente aussi :

- le blog de chroniques imaginr-chroniques.blogspot.fr

- et le blog sur l’actu des zines tousleszines.blogspot.fr

Enfin je suis sur Facebook sous Phil Becker, et pour finir avec les liens, j’administre aussi cette page sur le quotidien de l’intérim, qui accompagne la sortie de « Vous avez une mission » : www.facebook.com/tuesinterimaire/


EV : Quel dynamisme ! Merci à toi Phil, pour cette visite très riche et agréable :) A bientôt !

2 commentaires:

Raphaël Eymery a dit…

Une bonne interview. Tu sais par hasard si Serge Lehman fait toujours des anthologies ?

Phil a dit…

Je ne sais pas du tout, j'avoue que je n'ai pas suivi son actualité. J'ai un retard terrible de choses que je devrais faire et lire, hélas.