dimanche 6 mars 2016

AOC n°39

Et voici mon petit commentaire habituel sur le dernier AOC, le numéro 39.

Un numéro qu'on peut se procurer ici

Racines, d'Ismène Fleury : Une histoire poignante de bohémiens accueillis dans un village, sur fond médiéval. L'écriture d'Ismène Fleury est tout simplement extraordinaire, et m'a rappelé celle de Jaworski dans certaines de ses nouvelles, à mi-chemin entre le conte et le récit. Mon coup de cœur de ce numéro.

La tour dans le labyrinthe, de Christophe Guillemain : Une sympathique nouvelle d'aventure, où des pirates investissent l'île d'un mage, avec une chute qui donne le sourire, et malgré quelques passages que j'ai sentis laborieux, une écriture agréable

Un monde parfait, de Dominique Chapron : Ce texte se présente comme une légende des origines, où des dieux évoluent dans un éden où poussent les vœux des humains. Si au début j'ai eu un peu de mal à accrocher, j'ai fini par apprécier cet univers et sa poésie.

Nous voyons loin, d'Eric Morlevat : Une nouvelle à chute qui évoque la demande d'un riche émir pour une conquête spatiale très particulière. J'ai trouvé les réactions des personnages un peu exagérées, néanmoins je ne m'attendais pas à la fin, à saluer.

Le numéro regroupe ensuite trois petites nouvelles rédigées lors du dernier match d'écriture des Imaginales. Chaque texte avait diverses contraintes de thème, et les auteurs n'avaient qu'environ 2h pour les écrire. Je ne peux que m'incliner devant des textes si brillants pondus si rapidement ! Mon coup de cœur va à "Les nouveaux anciens" de Lia Guillaumet, avec sa fabuleuse idée d'animaux qui sont des trous dans les murs, mais "La boîte" de Tom Araudio et "Muse à vendre, accepte âmes" d'Elodie Serrano sont également excellents.

Enfin nous avons de très belles illustrations de Hélène le Dauphin, Farah Douibi, 570 et Eric Maleterre.

vendredi 4 mars 2016

Et si le bonheur était chez les geeks ?


Fin février, j’ai passé un week-end à la convention « Aka to kin » de Canet-en-Roussillon pour dédicacer le Lycan Blanc. Je savais seulement qu’il s’agirait d’un de ces salons avec du cosplay, des amateurs de mangas et de super-héros, mais je ne m’en faisais pas une idée précise. Tout au plus, j’imaginais quatre tables isolées dans un gymnase obscur, deux posters de Captain America et toutes les têtes qui se tournent vers l’unique client perdu qui ose passer la porte, ou encore quelques adultes bedonnants dans des costumes mal taillés et des ados bizarres boutonneux qui font des bruits de sabre laser avec la bouche. Bon, d’accord, ils étaient là, mais une convention geek, c’est tellement plus que ça.

Le Lycan Blanc entre de bonnes mains
D’abord, c’est grand - trois salles, près de 40 stands - plein de monde, et de tous âges. Des yeux qui pétillent et des sourires, des costumes faits main ahurissants de réalisme. La haute couture peut aller se rhabiller, aucune fille ne sera plus sexy que déguisée en elfe ou en guerrière post-apo.
En face de moi, j’ai des amateurs de figurines Bionicle capables de nommer le moindre petit robot et de vous raconter l’histoire de leur univers avec le plus grand sérieux. D’ailleurs quand ils désignent une figurine, ils ne disent pas « celui-là », mais « lui ». Et ces gars-là, qui courent vers la trentaine, parviennent à intéresser des mecs encore plus âgés. Chapeau.
J’abandonne mon stand, esquive un type habillé en grenouille et portant une radio portable qui diffuse en boucle une intro d’animé japonais, me baisse pour éviter une fléchette en mousse, et je vais découvrir les boutiques. Les épées d’imitation partent comme des petits pains, et les petits pains, fourrés à la poire, sont préparés par des médiévistes. 

Tiens voici Kakashi et Sakura de Naruto. Je m’interromps, soudain paralysé, réalisant que je reconnais tous les personnages des cosplays. Malédiction ! Depuis tout ce temps, j’étais geek moi aussi et je ne l’avais pas remarqué ! Les rôlistes et les fans de warhammer s’affairent sur leurs tables comme de véritables chefs de guerre, et je me fais happer dans une partie de Burger Quizz où il manque un participant. Je croise des nanas improbables qui vendent des mangas érotiques gays et lesbiens que les clients feuillettent seulement après s’être assuré qu’on ne les observe pas, des danseurs de J-Pop dont on voudrait se moquer mais que finalement, on ne peut s’empêcher de regarder - bon juste une dernière chanson et je retourne à mon stand, oh allez, disons juste deux - des commerçants qui arrivent à vous refiler des bijoux gothiques que vous n’auriez pas acheté au quart du prix sur un marché, mais là oui.

Peu à peu, la convention se transforme en grosse famille. Il y a certes des visiteurs extérieurs, mais le salon a son propre micro-climat, son économie interne, avec les vendeurs qui claquent tout ce qu’ils gagnent sur les stands voisins et les cartes de visite qui s’échangent par liasses.

Et je découvre des gens heureux. Cet illustrateur qui fait une démonstration de speed-painting sur écran géant et qui vit, malgré les galères, de sa passion. Cette femme qui fabrique des calices médiévaux en cuisant de la résine autour de verres, cet ancien ingénieur de l’armement reconverti en fabriquant d’arcs anciens ou cet homme habillé en Merlin qui possède une roulotte chargée de livres de contes et légendes, dans laquelle on se dépêche de grimper juste pour la déco. 

Bibi, feintant d'être affairé à la dédicace, juste pour la photo
Et vient l’inévitable question : qu’est-ce que je fais moi, derrière un écran la moitié du temps et l’autre moitié à enchaîner des interviews sur des sujets qui ne me passionnent pas ? Ces gens sont hors du temps, ils tournent sur les conventions, ne dégagent pas toujours un salaire, mais sont indépendants, comme détachés du reste du monde et du stress des deadlines. Et parmi eux, les visiteurs passionnés de tous bords, eux aussi coupés, le temps d’un week-end, de la crise, de notre département record de France du chômage qui interdit de seulement songer à quitter son travail, des lundi matins. Ils se moquent des jugements et sont capables de débattre de la véritable nature des Sith comme s’ils évoquaient des amis communs en difficulté. Et si le bonheur était chez les geeks ?